Et si la transition écologique était l’occasion d’impulser une dynamique économique et de réinventer le métier de banquier ? Nous avons rencontré Éric Campos et Nicolas Langevin.
Le Crédit Agricole a publié, fin décembre 2023, des mesures de renforcement de sa stratégie climat. Comment la banque fait-elle pour mesurer l’impact carbone lié à ses activités ?
Éric Campos. Concrètement, lorsque l’on dit qu’une banque émet du C02, on parle en réalité principalement de ses clients qui émettent des gaz à effet de serre dans le cadre de leur activité. La banque va comptabiliser une partie de ces émissions en fonction de la part des financements apportés. Un exemple : si nous finançons une entreprise à hauteur de 30 %, nous allons comptabiliser 30 % de ses émissions. Si l’on additionne toutes les émissions de nos clients – nous le faisons depuis 2011, elles s’élèvent à environ 150 millions de tonnes de CO2. Pour ce calcul, nous utilisons le site Partenariat pour la comptabilisation financière du carbone (PCAF), méthode partagée internationalement par le secteur financier et qui permet de comparer les banques.
Comment s’est-elle mise en place au Crédit Agricole ?
E.C. : Plus de 1 000 collaborateurs de tous les territoires ont été impliqués dans ces travaux que nous avons lancés il y a deux ans. Ils se sont fortement engagés et nous ont permis de publier en fin d’année dix secteurs d’activité qui couvrent 60 % de notre encours et 75 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. L’engagement et l’attitude des acteurs financiers sont les clés du succès de la décarbonation car ces derniers disposent d’une capacité d’action et d’influence.
Accompagner tous les clients dans cet objectif, c’est très ambitieux non ?
E.C. : Cela nécessite une mobilisation de tous les instants ! Voilà pourquoi nous avons décidé de créer un nouveau métier : Crédit Agricole Transitions et Energies, pour produire et vendre de l’énergie renouvelable et accompagner nos clients dans la sobriété énergétique. Par ce biais, nous contribuons à faire émerger de nouvelles stratégies et innovations. Nos trajectoires de décarbonation s’inscrivent également dans la dynamique de France 2030, qui cherche à offrir des moyens pour répondre aux défis écologiques, démographiques, économiques, industriels et sociaux d’un monde en perpétuelle évolution.
Le modèle de banque coopérative aux valeurs mutualistes du Crédit Agricole est-il un accélérateur dans l’accompagnement des transitions ?
Nicolas Langevin : Accompagner les transitions est dans l’ADN du Crédit Agricole. Le Groupe est un acteur des transitions depuis l’origine. Notre modèle de banque universelle de proximité s’est ainsi construit sur l’universalité et l’utilité en répondant aux besoins de nos clients et de la société. Cela a débuté avec la volonté de soutenir et d’accompagner les agriculteurs en lançant la première Caisse locale à Salins en 1885. Depuis, la banque a toujours relevé les grands défis sociétaux. Le Crédit Agricole a fait le choix de le faire en proximité en renforçant jour après jour la singularité de son modèle, mêlant savoir-faire et savoir être, au plus près des gens, dans tous les territoires et auprès de tous les clients, des plus modestes au plus fortunés, une stratégie au cœur de notre projet sociétal.
Accompagner tous les clients dans tous les territoires, c’est possible ?
N.L. : Notre préoccupation est bien de mettre à disposition de tous nos clients les moyens pour qu’ils soient eux-mêmes acteurs d’une économie bas carbone. En apportant des services et de l’utilité, nous créons de l’activité dans les Caisses régionales. Il s’agit là d’une combinaison vertueuse. Les Caisses régionales s’engagent dans le conseil en transition. Pour être au rendez-vous, près de 40 conseillers en transition énergétique ont été recrutés.
Quels moyens déployez-vous pour parvenir à soutenir le développement de projets dans tous les territoires ?
N.L. : En 2022, les Caisses régionales ont joué un rôle majeur dans le financement des énergies renouvelables pour un montant de plus de 1,8 milliards d’euros, soit 13 % de plus par rapport à 2021. Elles ont aussi fortement accéléré pour devenir producteur d’énergie avec une dynamique d’investissement bien supérieure aux années précédentes.
Pouvez-vous nous citer quelques initiatives en Caisses régionales ?
N. L. En finançant et en investissant, les Caisses régionales ont tour à tour soutenu des projets, investi dans des solutions industrielles, dans des start-up, elles se sont associées à des développeurs du territoire, sont devenues productrices d’énergie verte.
Pour en citer quelques-unes : Alpes-Provence et Loire-Haute-Loire. Les cinq Caisses régionales de la région Auvergne Rhône Alpes sont en train de structurer une société de conseil en transition énergétique.
Les Caisses régionales bretonnes coopèrent afin de mutualiser des moyens dédiés… La Caisse régionale des Savoie s’est associée avec un développeur du territoire pour créer Énergie des Savoie et se lancer dans le tiers investissement en panneaux photovoltaïques. Toulouse 31 crée en ce début 2024 un pôle de conseil en transition énergétique pour les professionnels, les agriculteurs et les entreprises. Les Caisses régionales du Languedoc et Pyrénées Gascogne sont également très actives, et je ne peux malheureusement pas toutes les citer…
Instance politique du Crédit Agricole, la Fédération nationale du Crédit Agricole est une association loi 1901. Ses adhérents sont les Caisses régionales, représentées par leurs présidents et leurs directeurs généraux.
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